LA LUTTE DES PAYSANS
POUR QUE L'ABOLITION DEVIENNE UNE REALITE



    Le 4 Août 1789 la Constituante sous la pression des Privilégiés qui s’y trouvaient décida l’abolition des privilèges.



L’abolition des droits seigneuriaux

    "Les circonstances malheureuses où se trouvent la noblesse, l’insurrection générale… Les Provinces de Franche-Comté, de Dauphiné, de Bourgogne, d’Alsace, de Normandie, de Limousin, agitées des plus violentes convulsions et en partie ravagées ; plus de cent cinquante châteaux incendiés, les titres seigneuriaux recherchés avec fureur, l’impossibilité de s’opposer au torrent de la Révolution, les malheurs qu’entraînerait une résistance inutile… Tout nous indiquait la conduite que nous devions tenir. Il n’y eut qu’un mouvement général, le clergé et la noblesse se levèrent et adoptèrent toutes les motions proposées."

lettre du marquis de Ferrières, député de la noblesse




    Ces privilèges étaient des droits hérités et le symbole d’appartenance à la noblesse. Ils étaient pour les paysans qui les subissaient humiliants et économiquement insupportables.
        Il fallut pratiquement 4 ans après la date symbole du 4 Août avant qu’ils ne soient définitivement abolis. Et ils ne le furent pas pour des raisons philanthropiques mais par nécessité comme le montre la lettre du marquis de Ferrières.


Les décrets d’Août 89

Art. 1 - L’Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal et décrète que, dans les droits et devoirs tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la mainmorte réelle et personnelle et à la servitude personnelle et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité: tous les autres sont déclarés rachetables, et le prix et le mode du rachat seront fixés par l’Assemblée nationale. Tout ceux desdits droits qui ne seront point supprimés par ce décret continueront à être perçus jusqu’au remboursement;

Art. 2 - Le droit exclusif des fuies (petites volières) et colombiers est aboli

Art. 3 - Le droit exclusif de la chasse et des garennes ouvertes et pareillement aboli et tout propriétaire a le droit de détruire et faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier. M. le Président sera chargé de demander au Roi le rappel des galériens et des bannis pour simple fait de chasse.

Art. 4 - Toutes les justices seigneuriales sont supprimées sans indemnité

Art. 5 - Les dîmes de toutes natures et les redevances qu en tiennent lieu sous quelque dénomination qu’elles soient connues et perçues… sont abolies, sauf à aviser aux moyens de subvenir d’une autre manière à la dépense du culte divin, à l’entretien des ministères des autels, au soulagement des pauvres, aux réparations des églises et presbytères…Et cependant jusqu’à ce qu’il y ait été pourvu, l’Asemblée nationale ordonne que lesdites dîmes continuent d’être perçues suivant les lois et en la manière accoutumée.

Art. 6 - Toutes les rentes perpétuelles soit en nature, soit en argent …seront rachetables ; les champarts de toute espèce, et sous toute dénomination, le seront pareillement au taux qui sera fixé par l’Assemblée.

Art. 7 - La vénalité des offices de judicature et de municipalité est supprimée dès cet instant. La justice sera rendue gratuitement.

Art. 11 - Tous les citoyens sans distinction de naissance pourront être admis à tous les emplois et dignités ecclésiastiques, civils et militaires…






    Le 11 août 1789, avec le décret général sur l’abolition du régime féodal c’est la fin officielle de la société par ordres de l’ancien régime. Le servage est définitivement aboli, cela d’autant plus facilement qu’il ne concerne plus personne.Tous les autres droits sont rachetables. Louis XVI n’accepta de promulguer ce décret que le 3 Novembre 1789.
    Les seigneurs acceptèrent l’abolition des droits qui ne rapportaient rien . Les autres étaient rachetables. La dîme fut abolie mais en attendant de trouver une solution au financement de l’Eglise, elle dut continuer d’être payée.
    La Constituante organisa le rachat des droits en Mars et en Mai 1790 soit neuf mois plus tard. Les circonstances du rachat venaient si tard et étaient si compliquées que les paysans eurent vraiment le sentiment de s’être fait avoir et ne s’y retrouvaient pas.
    Alors à travers la France, les paysans recommencèrent à attaquer les châteaux et à détruire les documents qui leur tombaient sous la main. Cette agitation dura jusqu’en 1793. Les paysans voulaient que l’abolition de ce qui causait leur malheur ne soit pas un vain espoir mais une réalité.


Dans le Périgord:
    " Tous les paysans refusent de payer les rentes. Ils s’attroupent, font des coalitions, des délibérations portant qu’aucun d’eux ne paiera de rentes, et que si quelqu’un vient à en payer, il sera pendu.
    Ils vont dans les maisons des seigneurs, des ecclésiastiques et d’autres personnes aisées ; ils y commettent des dégats, se font rendre des parties de rente, que quelques-uns ont reçues d’abord, se font faire des reconnaissances et des engagements par ceux qui ont vendu le blé perçu ou qu’ils prétendent qui ont été payés de lods et ventes (droit qui accordait au seigneur une part sur les héritages) et autres droits qui ne leur étaient pas dûs.
    Un gentilhomme, âgé de plus de quatre-vingts ans, a été assailli dans son château par une troupe de paysans qui ont débuté par planter une potence au-devant de la principale porte. Ce seigneur fut si saisi qu’il en mourut subitement."

Extrait du mémoire pour les Provinces du Périgord Quercy et Rouergue, par J-B Loys, député du Tiers de Périgueux

Dans les Charentes:
    "Dans la paroisse de Saint-Amand-de-Montmoreau, les gens sans propriété, les métayers et les colons, les très petits propriétaires se sont réunis, non seulement afin de se soustraire au paiement de ces droits pour l’avenir, mais encore pour faire restituer ceux qu’ils ont payés pour les années précédentes;…une potence portant pour inscription: "Ici est le tombeau des Aristocrates, il est défendu aux métayers de payer à leurs Maîtres des Rentes." A été planté par ces hommes égarés, en face du cimetière de cette paroisse ; ils ont nommé des bourreaux, auxquels ils ont fourni des cordes ; par suite, ils sont allés dans plusieurs maisons, ils ont bu et mangé les comestibles ; pour y parvenir des portes ont été enfoncées et hachées. Dans d’autres, les habitants ont été mis à contribution par d’autres moyens ; ils ont été rançonnés…"

Extraits d’un rapport du Directoire du département de la Charente. Arc. Nat. D. XXIX, Angoulême




    En fait ce ne fut que face à la guerre et à l’emprisonnement de Louis XVI après sa tentative de fuite, que l’Assemblée pour obtenir le maximum de soutien populaire utilisa l’abolition des droits féodaux et seigneuriaux. Et ce ne fut que le 17 Juillet 1793 que les droits seigneuriaux furent définitivement abolis par la Convention et que l’on ne parla plus de rachat.

La suppression des droits féodaux
17 Juillet 1793


La Convention nationale, après avoir entendu son Comité de législation, décrète:

Art. 1 - Toutes redevances ci-devant seigneuriales, droits féodaux, censuels, fixes et casuels sont supprimés sans indemnité.

Art. 3 - Les procès civils et criminels soit sur le fond, soit sur les arrérages des droits supprimés par l’article premier sont éteints.