1795




 
Le réveil du peuple

paroles de J-M Souriguière
musique de : Pierre Gaveaux


Peuples Français, peuple de frères,
Peux-tu voir sans frémir d'horreur,
Le crime arborer les banières
Du carnage et de la terreur ?
Tu souffres qu'une horde atroce
Et d'assassins et de brigands,
Souille par son souffle féroce
Le territoire des vivants.

Quelle est cette lenteur barbare ?
Hâte-toi, peuple souverain,
De rendre aux monstres du Ténare
Tous ces buveurs de sang humain !
Guerre à tous les agents du crime !
Poursuivons les jusqu'au trépas ;
Partage l'horreur qui m'anime !
Ils ne nous échapperont pas.

Ah ! qu'ils périssent ces infâmes,
Et ces égorgeurs dévorants,
Qui portent au fond de leurs âmes
Le crime et l'amour des tyrans !
Mânes plaintifs de l'innocence,
Apaisez-vous dans vos tombeaux ;
Le jour tardif de la vengeance
Fait enfin pâlir vos bourreaux.

Voyez déjà comme ils frémissent ;
Ils n'osent fuir, les scélérats !
Les traces de sang qu'ils vomissent
Décèleraient bientôt leurs pas.
Oui, nous jurons sur votre tombe,
Par notre pays malheureux,
De ne faire qu'une hécatombe
De ces cannibales affreux.

Représentants d'un peuple juste,
O vous ! législateurs humains !
De qui la contenance auguste
Fait trembler nos vils assassins,
Suivez le cours de votre gloire ;
Vos noms, chers à l'humanité,
Volent au temple de mémoire,
Au sein de l'immortalité.

histoire chantée de la 1ère République. 1789 à 1799. Louis Damade, Paris, 1899

Cette chanson fut très en vogue jusqu'en 1799, opposée à la Marseillaise, elle fut utilisée aussi bien par les royalistes que les anti-jacobins.



 
Le vœu des citoyens paisibles

paroles : citoyen Piis
air de: N'en demandez pas davantage
ou : Colin disait à Lise un jour


Pour mettre un terme à tous nos maux
Voulons-nous prendre un parti sage
Proscrivons d'abord certains mots
Qui flétrissent le langage
Et de jacobins et de muscadins
Ne traitons pas davantage. (bis)

Puisqu'on a vu des jacobins
Amis des lois, non du carnage ;
Puisque l'on voit des muscadins
Dont Mars rend fort bon témoignage
Par ces vieux levains
De sobriquets vains,
Pourquoi nous aigrir davantage ! (bis)

Poudrez-vous, ne vous poudrez pas,
Selon l'air de votre visage ;
A la patrie, en tous les cas,
Cela peut-il porter ombrage ?
A des cheveux longs
A des cheveux ronds
N'attachons aucun avantage. (bis)

Songeons qu'à pied comme à cheval
Notre armée à grands pas voyage,
Et que par un temps glacial
Dans Amsterdam elle emménage !
Tels sont nos destins
Que même en patins,
Nous aurons, s'il faut, l'avantage ! (bis)

La presse en pleine liberté
Ne doit plus éprouver d'outrage :
Dans les journaux, la vérité
Peut se montrer à chaque page,
Mais sur plusieurs points
Que n'écrit-on moins,
Pour fraterniser davantage. (bis)

Et nous reprendrons la gaîté
Qui fut toujours notre partage :
La gaîté maintient la santé
La santé maintient le courage.
Le travail des champs,
Les mœurs, les talens
Tout en fleurira davantage. (bis)

histoire chantée de la 1ère République. 1789 à 1799. Louis Damade, Paris, 1899

Cette chanson est un appel à la réconciliation devant les dangers qui menacent la République.
La liberté de la presse est garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Totale liberté, certes, mais la censure était vite réapparue. Après le 10 août 1792, les journaux royalistes étaient interdits et la loi des suspects rendait dangereux les écrits anti-jacobins, Camille Desmoulins en demandant dans ses articles la fin de la terreur, finit sur l'échafaud.



 
Couplets populaires
21 pluviôse an III de la République française

paroles de : citoyen Bellemarre
air de : Les Fraises ou : Nicodème dans la lune


La chandelle est à six francs,
Je n'en brûle pas une.
Grâce à messieurs les marchands,
Je dormirais toujours sans
La lune, la lune, la lune.

Avec résignation,
Je travaille à la brune ;
Mais qu'au moins la nation
Mette en réquisition
La lune, la lune, la lune.

Des Français reconnaissants
S'établit la fortune ;
Ils ne craindront de long-tems
Que des éclipses fréquens
De lune, de lune, de lune.

L'on pourra, dans ma chanson,
Trouver quelque lacune ;
Je sens qu'on aurait raison,
Si j'avais sur l'horizon
La lune, la lune, la lune.

histoire chantée de la 1ère République. 1789 à 1799. Louis Damade, Paris, 1899

Hiver terrible que cette année là, les récoltes de l'été ont été désastreuses, les assignats ne valent plus rien. Les prix augmentent terriblement.



 
Le franc républicain
4 prairial an III (23 mai)

par un citoyen qui a toujours cru et qui croit encore qu'il ne manque à la liberté française, pour réunir tous les suffrages, que de se dépouiller tout à fait de la tunique sanglante dont quelques hommes féroces l'avaient revêtue, et de s'orner au plus tôt d'un costume anglo-américain.

air de : Les trembleurs ou : Une vieille qui roupille



Lorsque le froid janséniste,
Narguait le chaud moliniste,
Pour ces deux partis en liste,
J'avais un égal dédain :
Philosophe et quiétiste,
J'abhorre le terroriste,
Jacobin ou royaliste,
Et je suis républicain.

Malgré R*** le sophiste,
Malgré R*** le casuiste,
Et malgré tel journaliste,
Caméléon écrivain,
Je ne suis point capétiste,
Je ne suis point sorbiniste,
Je ne suis point anarchiste,
Je suis franc républicain.

Mon grand-père est Fayétiste,
Ma gran-mère est alarmiste,
Mon grand frère apologiste,
De la guerre et du tocsin ;
Mais mon père est optimiste,
Ma mère est tolérantiste,
Aussi peu controversiste,
Moi, je suis républicain.

Mais comment né monarchiste,
Etes-vous panégyriste,
D'un système antagoniste
Où le peuple est souverain ?
Quand le plus grand nombre insiste
Pour que ce système existe
L'autre nombre à tord résiste ;
Et je suis républicain.

Mais il faut être papiste,
Seriez-vous donc calviniste,
Talmudiste, ou koraniste ?
Qui, moi ? J'aime mon prochain :
Lorsqu'avec peine il subsiste,
Tant que je peux, je l'assiste ;
C'est en ce point que consiste
Le dogme républicain.

Vienne enfin la paix, Ariste,
Chacun deviendra théiste,
Jusqu'au matérialiste ;
Turc ou juif, grec ou romain,
Le bronze aura l'air bien triste
Sur son trône d'améthyste
Ebranlé par la baliste
Du bon sens républicain.

histoire chantée de la 1ère République. 1789 à 1799. Louis Damade, Paris, 1899

Beaucoup d'humour dans cette chanson, mais aussi une bonne représentation des différents composantes de la société. Peu importe les particularités de chacun, ce qui compte c'est ce qui unit tout le monde. A savoir la République.



 
La pipe de tabac

chanson du Petit matelot opéra de Pigault Lebrun
musique de Gaveaux


Contre les chagrins de la vie,
On crie et ab hoc et ab hac.
Moi je me crois digne d'envie,
Quand j'ai ma pipe de tabac. (bis)
Aujourd'hui changeant de folie
Et de boussole et d'almanach,
Je préfére fille jolie
Même à la pipe de tabac. (bis)

Le soldat baille sous la tente,
Le matelot sur le tillac,
Bientôt ils ont l'âme contente
Avec la pipe de tabac. (bis)
Si pourtant survient une belle ,
A l'instant le cœur fait tic-tac,
Et l'amant oublie auprès d'elle
Jusqu'à la pipe de tabac. (bis)

Je tiens cette maxime utile
De ce fameux monsieur de Crac
En campagne comme à la ville
Fêtons l'amour et le tabac. (bis)
Quand ce grand homme allait en guerre
Il portait dans son petit sac
Le doux portrait de sa bergère
Avec la pipe de tabac. (bis)

Chants et chansons populaires BHVP n° 135032

Le tabac est une herbe venant d'Amérique, elle arrive en Europe au XVIème siècle. Les Indiens l'appellent petun. Sous Louis XIII, son usage est interdit dans les lieux publics.
Monsieur de Crac est le baron de Münchausen.



 
La Carmagnole de Fouquier-Tinville

air de : la Carmagnole


refrain

    Vive la guillotine
    Pour ces bourreaux (bis)
    Vive la guillotine
    Pour ces bourreaux vils fléaux.


Fouquier-Tinville avait promis (bis)
De guillotiner tout Paris (bis)
Mais il en a menti
Car il est raccourci.

Ce monstre fit assassiner (bis)
Souvent sans même les juger (bis)
Vieillards, femmes, enfants,
Jeunes adolescents.

Il fit bien mettre en jugement (bis)
Et condamner injustement (bis)
Le comte de Fleury
Dont il fut l'ennemi.

Sans acte d'accusation (bis)
Avec précipitation (bis)
Il fit couler le sang
De plus d'un innocent.

Ennemi des bons citoyens (bis)
Il employait tous les moyens (bis)
Pour les faire périr
C'était là son plaisir.

Ce barbare, cet inhumain (bis)
Des humains ce vil assassin (bis)
Choisissait pour amis
Nos plus grands ennemis.

BHVP n°9312

Texte d'origine royaliste, cette carmagnole exprime quand même l'opinion générale au regard de ce "fonctionnaire sans défaut". Accusateur public, Fouquier-Tinville est en grande partie responsable des charrettes de condamnés. Lors de son procès, il se défendit en arguant du fait qu'il ne faisait qu'obéir aux ordres. Sa condamnation démontra que la soumission à l'autorité n'excuse ni l'injustice ni les actes immoraux.